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C’est (juste) une question d’organisation

« Outils et méthodes », 2ᵉ partie

Auteur : Philippe Contal

Quelle est la différence entre le graphite et le diamant ? A l’échelle atomique… aucune. Ce sont tous deux des structures de carbone. L’organisation des atomes qui est à l’origine de la distinction de ces deux matériaux peut nous éclairer dans nos entreprises en dans le monde digital. Car l’organisation et la méthode sont souvent les véritables clés du succès. Si les ingrédients sont essentiels, la manière de créer des interactions l’est tout autant.


Au regard de la chimie, les formes cristallines sont déterminantes pour les propriétés physiques et mécaniques des matériaux. Prenons l’exemple du carbone, avec deux de ses organisations atomiques naturelles : le graphite et le diamant. Toutes deux sont composées exclusivement d’atomes de carbone. En matière de composants atomiques, il n’y a donc pas de différence. En revanche, c’est dans l’organisation spatiale des atomes - et leurs interactions - que s’expliquent les différences entre le matériau friable qu’est le graphite et le diamant, l’un des matériaux naturels les plus durs. Dans le premier cas, les atomes sont organisés par couches. Il s’agit d’une structure lamellaire. Dans le cas du diamant, les atomes sont organisés de façon très serrée. Chacun est relié de manière tétraédrique à quatre autres atomes de carbone. La structure tridimensionnelle qui en résulte est à l’origine de la dureté naturelle du diamant. 

La structure lamellaire s’apparente à un millefeuille, friable du fait des faibles interactions entre les couches. Placez ces couches verticalement et vous obtiendrez une excellente illustration du phénomène de silo, grand destructeur d’efficacité dans les entreprises. Le silo représente une organisation verticale qui fonctionne - presque - de manière autonome. Elle n’existe que parce qu’elle s’identifie à ses frontières. Bien établies, elles permettent de limiter les contacts et les échanges avec le voisinage, considéré comme un danger potentiel. Dans l’entreprise, ce sont ces services ou ces personnes dont l’utilité peut parfois échapper au reste de l’entreprise. Ils sont reconnaissables par leur tendance naturelle à conserver précieusement les informations dont ils disposent. Malgré l’arrivée de l’informatique puis du digital¹, ce type de réflexe d’autoprotection existe toujours. C’est le corolaire de la technique managériale antédiluvienne du « diviser pour régner ». Antédiluvienne, mais pourtant encore bien d’actualité. 

A l’inverse, la structure du diamant illustre les interactions fortes, la solidité. Est-ce un hasard si la racine des mots solidarité et solidité est identique ? Sans tomber dans les clichés politiques qui visent à conquérir nos besoins de sécurité, force est de constater que le diamant, par sa structure compacte et maillée dans l’espace, génère une solidité que peu de matériaux, même avec les moyens industriels modernes, arrivent à égaler. Il s’agit d’une interdépendance à l’échelle atomique. Cela dit, n’oublions pas qu’il suffit de chauffer un diamant au-delà de 1 500°C pour qu’il brûle et se transforme en dioxyde de carbone (CO2)². Tout est fragile, même la solidité ! A l’inverse, hautes températures et pressions permettent de transformer les structures atomiques carbonées pour obtenir du diamant. C’est ainsi que l’on fabrique des diamants artificiels, généralement utilisés dans l’industrie plutôt qu’en joaillerie. En principe… 

Le rapide changement d‘échelle permet de comprendre que si les composants sont identiques, l’organisation cristalline détermine le type de matériau ainsi que ses caractéristiques physiques et… financières. Il n’échappe à personne que la valeur d’un morceau de graphite n’est guère comparable avec son équivalent massique en diamant. Poussons un peu plus loin notre exploration. De manière naturelle, le graphite et le diamant bruts sont différents. La manière de leur donner de l’intérêt et de la valeur impose de travailler la matière première. 

Sous sa forme graphitique, le carbone permet de fabriquer des crayons à papier³, indispensables pour beaucoup d’artistes. Sous sa forme cristalline, le carbone possède une valeur initiale qui dépend de sa provenance, sa taille, sa pureté, sa couleur… Mais il prend réellement de la valeur selon la manière dont il est taillé. Comme le graphite, le diamant gagne en intérêt et en valeur marchande par sa transformation. Mais vous aurez beau posséder le savoir-faire et les outils du lapidaire, vous ne produirez pas grand-chose avec du graphite.

« Vous aurez beau posséder le savoir-faire et les outils du lapidaire, vous ne produirez pas grand-chose avec du graphite. »

C’est ici que l’analogie avec notre époque technophile prend tout son sens. A force de chercher des solutions toutes faites, nous avons tendances à croire que les outils sont des réponses miraculeuses voire universelles. Dans la catégorie des « maîtriser l’univers pour les nuls », nous trouvons une pléthore de solutions qui laissent à penser que nous pouvons tout réaliser avec le bon outil, sans compétence. Or celles-ci sont indispensables, heureusement. Si, dans vos poches, vous avez du graphite, mieux vaut savoir le vendre ou en faire des crayons que de chercher à le transformer en diamant. En le chauffant sous pression, vous pouvez en faire un diamant - artificiel - , mais avec quelle dépense d’énergie ?

Approfondissons les utilisations du graphite. Celui-ci entre dans la fabrication des crayons, mais pas seulement. Il fait partie des composants des piles alcalines, des raquettes de tennis, des clubs de golf, des garnitures automobiles, des peintures, des centrales nucléaires (comme modérateur de la fission) et même comme absorbant en médecine, en cas d’intoxication orale. Bref, ce matériau à l’allure friable peut devenir essentiel dans de nombreux artefacts que nous utilisons quotidiennement. C’est une autre manière de transformer le graphite en « diamant ». Car le véritable intérêt de ce matériau, outre son esthétique cristalline, est sa valeur marchande. 

Mais redescendons à l’échelle moléculaire. L’organisation des atomes de carbone est donc déterminante pour les caractéristiques physico-chimiques du matériau. L’organisation spatiale et les interactions entre les atomes permettent de comprendre les raisons pour lesquelles nous obtenons du graphite ou du diamant à notre échelle. Il s’agit donc d’organisation et d’interactions. Or, au cœur du monde digital, nous retrouvons également l’organisation (des contenus, des publications…) et les interactions (les consultations, les « j’aime », les partages…). 

Le digital nous semble en rupture avec notre quotidien car il est très récent par rapport aux civilisations humaines, à fortiori à au regard de la géologie ou de l’astrophysique. Et pourtant, il réagit aux mêmes règles, celles qui s’appliquent quelle que soit l’échelle à laquelle nous analysons notre environnement. Le digital n’est rapide qu’à condition de ne pas faire partie du voyage. Nous n’avons pas conscience de nous déplacer alors que nous voyageons à plus de 1 000 km/h⁴. Mais les pieds sur terre en rotation, nous n’avons nullement l’impression de bouger. L’effet est identique lorsque nous sommes dans un train à vitesse constante. Car ce sont les variations de vitesse qui nous perturbent, pas la vitesse elle-même. 

« Une bonne organisation est plus efficace que des outils mal maîtrisés. »

Une bonne organisation est plus efficace que des outils mal maîtrisés. En adaptant les méthodes aux objectifs, nous pouvons mieux y répondre. De plus, il faut prendre garde aux outils qui nous coupent des effets et nous rendent dépendants. Prenons un exemple : la publication dans les réseaux sociaux. Certains outils permettent de publier dans plusieurs réseaux en même temps. C’est rapide mais particulièrement de mauvaise qualité. En effet, la plupart de ces outils ne prennent pas en compte les particularités de chaque média social. La limite de 280 caractères pour Twitter, les attributs de texte de Google+…. Avec un peu de méthode et une bonne gestion des favoris de votre navigateur, vous obtiendrez un bien meilleur résultat sans perdre de temps pour autant.

Pire encore, le « marketing automation », l’automatisation des publications produit une forte densité de contenus sans valeur ajoutée. Est-ce bien utile de retwitter automatiquement tout ce qui contient un mot-clé ? La production de contenus demande de l’intelligence. Mieux vaut privilégier la qualité plutôt que la quantité. Nourrir les réseaux sociaux avec des publications automatisées ne produit rien d’autre qu’une image confuse, un vaste bazar qui fonctionne en circuit fermé.

Les outils sont inventés et développés pour nous aider, nous faire gagner du temps. Mais encore faut-il bien comprendre leur fonctionnement et leur valeur ajoutée avant de nous en rendre dépendants. Organiser et déployer une stratégie digitale sera toujours plus efficace que d’installer la dernière version d’un logiciel, quel qu’il soit.

A suivre…

Philippe Contal
Fondateur d'iSDO
Créateur de #TerritoireDigital™ 



⁴ Vitesse de rotation de la Terre sur elle-même à l’équateur : 1 675 km/h. A Paris, la vitesse est de 1 105 km/h.
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